Requalification d’un contrat de prestataire en contrat de travail. Quel délai pour agir ?

 

L’émergence des plateformes numériques de mise en relation mais également le succès rencontré par l’auto entreprenariat dans tous les secteurs de l’économie ont généré une multiplication du contentieux portant sur la requalification de la relation commerciale en un contrat de travail.

Il s’est donc naturellement posé à l’occasion de ces procédures la question de la prescription de ces actions c’est à dire du délai délai dont dispose le demandeur pour saisir un Conseil des Prud’hommes d’une telle demande.

Jusqu’à très récemment, la jurisprudence estimait qu’une telle action en requalification portait sur l’exécution du contrat et relevait donc de la prescription de l’article L1471-1 du Code du Travail qui est de deux ans « à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit » ( CA PAU 25 juin 2020, n°19/04005)

Dans la pratique, le délai de deux ans commençait donc le plus souvent à courir lors de la signature du contrat ou dans les semaines suivantes, le demandeur étant alors réputé connaitre les conditions d’exercice de sa prestation.

Il en résultait qu’un prestataire ou un auto-entrepreneur dont le contrat avait été conclu depuis plus de deux ans n’était plus recevable à en en solliciter la requalification en contrat de travail et ce même s’il était toujours en cours d’exécution .

La Cour de Cassation par ses deux arrêts du 11 mai 2022 (Cass. soc. 11-5-2022, n°20-14.421Cass Soc 11-5-2022, n°20-18.084) vient bouleverser les règles applicables en retenant que :

  • L’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail, relève de l’article 2224 du Code Civil et se prescrit donc par cinq ans.
  • Le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit

Ces deux arrêts ne sont manifestement pas isolés mais participent indubitablement d’une volonté de la Cour de Cassation d’uniformiser sa jurisprudence en matière de prescription des actions en requalification de contrat.

En atteste un autre arrêt rendu le même jour au terme duquel la Cour de Cassation retient que le délai de prescription d’une action en requalification d’une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat sans que les périodes d’inactivité aient un quelconque effet sur le point de départ de la prescription (Cass. soc. 11-5-2022 no 20-12.271).

Ces décisions qui augmentent considérablement le délai pendant lequel il sera possible de faire qualifier judiciairement l’existence d’un contrat de travail, doivent inciter les entreprises à faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’elles ont recours à un prestataire auto-entrepreneur.

Elles devront veiller à ce que les conditions d’exécution de ce contrat de prestation ne se rapprochent pas de celles d’un contrat de travail, les conséquences d’une requalification judiciaire pouvant être très lourdes et ouvrir la voie à des poursuites pénales pour travail dissimulé ou à un redressement par l’URSSAF.

Abonnez-vous

Soyez automatiquement notifié de la publication de chacun de nos articles.

Partagez cet article avec vos amis

RESEAUX SOCIAUX

informations LEGALES

site créé et administré par ARTYS SOCIAL
Consulter nos mentions légales

Ou nous trouver

Palais Lorenzi
39 Bd Carabacel
06000 NICE
Tel : 04.93.80.80.99